Test Sony PMW-F55
Après la PMW-F3 que nous avions testée il y a 2 ans, Sony agrandit sa gamme avec 2 nouvelles caméras CinéAlta 4K: la F5 et la F55. C’est justement cette dernière que nous avons choisie de tester avec une question à l’esprit: la F55 a-t-elle sa place face aux Red, Alexa et autres DSLR ?
Capteur
L’intérêt de la F55, c’est d’abord son capteur. Elle est pourvue d’un CMOS Super 35 mm 4K avec une large plage dynamique de 14 diaphs. De plus, et contrairement à sa petite soeur la F5, elle bénéficie d’un global shutter. Finis donc les problèmes inhérents au rolling shutter. Un premier argument de poids face à la concurrence. Notons que la résolution du capteur qui est de 4096×2160 pixels permet d’enregistrer aussi en Quad HD (3840×2160).
Afin de mettre à l’épreuve ce capteur, nous avons testé la F55 dans différentes conditions, en la comparant avec une EX3 et un 5D. En extérieur par fort ensoleillement, les 14 diaphs de plage dynamique prennent tout leur sens. Les hautes lumières ne sont pas surexposées, et il y a de la matière dans les basses lumières là où on pensait être sous-exposé. Lors d’une journée couverte avec une lumière diffuse et plate, le ciel comporte toujours du détail, sans être éclaté.
En règle générale, les ciels gris ne sont pas conciliants pour les capteurs. Avec la F55 le ciel reste laiteux mais avec du détail, sans que le sol soit sous-exposé.
Dans des conditions de faible luminosité comme de nuit, la F55 brille par sa sensibilité. Les algorithmes de réduction de bruit sont remarquables: même avec 12 dB de gain, l’image reste parfaitement exploitable. En terme de sensibilité la F55 offre une double lecture: en ISO et dB, correspondant respectivement à une utilisation cinéma ou broadcast.
Test de la bougie: EX3 avec un gain de +12 dB. Les basses lumières sont écrasées, et la lumière émise par la bougie surexpose le centre de l’image. Le bruit est très présent à l’image.
Test de la bougie: F55 avec un gain de +12 dB. Les 14 diaphs de plage dynamique offrent beaucoup plus de matière dans les basses lumières, sans que la bougie surexpose le centre de l’image. En terme de bruit, la différence est sans appel par rapport à l’EX3.
Formats
L’une des limites de la F3 était son format d’enregistrement (XDCAM EX). Avec la F55, Sony corrige le tir en supportant de nombreux formats. En HD, le MPEG-2 reste un standard broadcast: 4:2:2 8-bit à 50 Mbps. On trouve ensuite le XAVC, qui gère en plus de la HD 2K et 4K. Voilà un nouveau codec H.264/MPEG-4 AVC développé par la firme nippone qui a tout pour séduire: 4:2:2 10-bit à100 Mbps en HD 25p et 240 Mbps en 4K 24p. Le codec SR 4:2:2 et 4:4:4 10-bit reste prometteur, même s’il n’est pas encore implémenté à l’heure où nous testons la F55 (firmware en v1.1). Vient enfin le RAW qui avec ses 16-bit se définit comme le négatif numérique, permettant d’exploiter pleinement les 14 diaphs de plage dynamique du capteur.
Objectifs
La F55 n’est pas sans rappeler la Red par son ergonomie et sa modularité. D’origine, ce n’est qu’un boitier qui nécessite de nombreux accessoires pour pouvoir fonctionner. A commencer par les objectifs. La F55 est dotée d’une monture FZ Sony avec un adaptateur PL. On peut ainsi utiliser de nombreuses optiques 35mm, à condition qu’elles couvrent l’intégralité du capteur 4K. Que ce soit en prime (focale fixe) ou zoom (focale variable), il existe de nombreuses options. Sony propose un kit de 6 objectifs PL 4K avec des focales de 20, 25, 35, 50, 85 et 135 mm. Nous avons aussi apprécié la série Compact Prime de Zeiss qui allie un excellent rapport qualité/prix à une large place focale allant de 15 à 135 mm, avec une douzaine d’objectifs différents. Zeiss associe à ces dernières la gamme Compact Zoom en focale variable, toute aussi efficace qu’il s’agisse du 28-80 ou du 70-200. Citons aussi la série CN-E de Canon qui se décline en 15.5-47 mm, 30-105 mm, ou encore 30-300 mm, ainsi que le Cabrio 19-90 mm de Fujinon qui reste très prisé par de nombreux chefs opérateurs.
Compatibilité 4K, continuité du point sur toute la plage focale, monture interchangeable…Voilà les atouts du Compact Zoom CZ.2 28-80 de Zeiss.
Viseur
Le second accessoire indispensable à la F55 est le viseur/moniteur. Sony propose 3 options: le DVF-L350, un viseur LCD 3.5” doté d’une résolution de 960×540, le DVF-EL100, un viseur OLED de 0.7” avec une définition de 1280×720, et le DVF-L700, un moniteur 7” qui offre une résolution de 1920×1080. Nous avons testé ces 3 systèmes. Si le viseur OLED avait suscité notre intérêt (l’effet NAB ?) force est de constater que les problèmes de flicker inhérents à ce type de technologie fatiguent rapidement la vue, et cela malgré un piqué remarquable. Le moniteur 7” est bluffant par sa définition, son contraste, même en extérieur: un excellent choix mais qui a son prix. Le moniteur 3.5” est mieux placé en tarif et reste à notre sens un bon compromis. Et rien n’empêche de l’agrémenter d’un petit moniteur de terrain via une des sorties SDI.
Le moniteur DVF-L700 de Sony offre une définition de 1920×1080 pixels et un très bon contraste, même en extérieur.
Profondeur de champ
Tourner avec un capteur Super 35mm et des optiques cinéma garantit une faible profondeur de champ. Si cela confère à l’image son aspect cinématographique, faire le point en 4K peut se révéler parfois difficile selon le viseur utilisé. Voilà donc tout l’intérêt des 2 fonctions d’assistance à la mise au point: peaking et focus mag.
Même avec une optique de 35 mm, la profondeur de champ reste réduite.
Connectique
Le moins que l’on puisse dire est que la F55 est bien équipée en matière de connectique. Jugez plutôt: HDMI 4K, 4 sorties SDI (configurables en 3G SDI pour sortie 4K) TC in/out, Genlock, Monitoring, Remote… Côté audio, un module externe détachable de 2 XLR femelles complète cette liste par 2 canaux analogiques 48 kHz 24-bit ou 4 canaux AES/EBU. Bref la F55 marque encore des points face à la Red ou au 5D.
Enregistrement et workflows
La F55 enregistre sur 2 types de support. D’abord sur des cartes SxS Pro+, version sous stéroïde des SxS classiques. On enregistre de la sorte tous les formats sauf le RAW, qui nécessite des cartes AXSM, requérant elles-mêmes l’enregistreur AXS-R5. A chaque support correspond un workflow broadcast ou cinéma.
Dans une optique broadcast, le XAVC nous a particulièrement séduit par sa qualité et sa souplesse d’utilisation. Même en 4K avec un débit de 250 Mbps les fichiers sont d’un poids raisonnable et directement exploitables par une station de montage Avid ou Premiere. Par exemple, Media Composer 6.5 gère très bien le XAVC en HD via l’AMA.
Dans une optique cinéma, le RAW a 2 avantages certains sur les codecs broadcast: permettre une exploitation intégrale des 14 diaphs de latitude dynamique en offrant une flexibilité de plus ou moins 2 diaphs en post-production. Le revers de la médaille est qu’il faut être prêt à gérer une quantité considérable de données. De plus, les fichiers RAW ne sont pas directement exploitables en montage. La procédure consiste à travailler en montage avec des fichiers HD (par exemple en doublant la prise sur les SxS Pro+) avant de conformer en 4K, par exemple dans DaVinci.
Pour lire et étalonner les fichiers RAW, Sony à mis gratuitement à disposition sur son site le logiciel RAW Viewer.
Road Map & Wish List
La version de la F55 testée avait un firmware juvénile: toutes les fonctions annoncées par Sony n’étaient hélas pas encore disponibles. La firme nippone prévoit en effet une roadmap avec de nombreuses mises à jour tout au long de 2013. Ainsi la F55 doit peu à peu s’agrémenter de fonctionnalités telles que le 2K RAW, le codec SR 4:2:2 et 4:4:4, ou encore l’enregistrement à 180 fps. Bref il va falloir être patient. La bonne nouvelle est que toutes ces mises à jour seront gratuites.
Souhaitons aussi retrouver prochainement 2 fonctions dont l’absence nous a étonnés. Tout d’abord, des outils d’assistance à l’exposition. Si Sony nous a gratifié des histogrammes sur les EX1 et EX3, on est en droit d’attendre d’avantage que des zébras sur une caméra de l’envergure de la F55. Ainsi waveform et vecteurscope ne seraient pas superflus… Tout comme la fonction timelapse qui fait défaut sur la version testée.
Conclusion
Large place dynamique, faible bruit, workflows 4K ou HD, puissance du RAW, qualité des codecs, diversité de la connectique… Avec la F55 Sony nous propose enfin une caméra à la croisée des chemins entre cinéma et broadcast, qui pourrait rapidement s’imposer comme un nouveau standard.
Merci à Camille Percepied et Jean-Yves Martin chez Sony.
© 2014 Stéphane Nicolle-Xplorer studio